Textes critiques

“Chabot réalise des installations ou assemblages d’objets plus ou moins quotidiens, détournés de leur usage et dont la juxtaposition leur confère un caractère explosif, violemment provocateur, agressif, volontiers blasphématoire, porteur d’accusations, de dénonciations à objectifs divers, pamphlétaires, sociologiques ou politiques. Il y a sans doute dans cette attitude une volonté de libérations de fantasmes personnels que Chabot met en scène en trois dimensions avec une intarissable imagination. Parmi ses cibles de prédilection : un évident antimilatarisme hérité d’un grand-père détruit par la guerre de 1914-1918, et ce qu’on pourrait dire un érotisme funèbre ou funéraire, s’il n’était en partie désamorcé en tant qu’érotisme pur par le sérieux de la longue quête et enquête sociologique à travers quantité de cimetières en France et étrangers, sur les traces et témoignages d’un érotisme à objet féminin dans les rites, accessoires et monuments de la mort, enquête que Chabot mène, plus que par obsession, avec un humour noir ravageur.”
—Bénézit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, graveurs, Edition GRÜND, 1999
André Chabot
“Chabot hante les cimetières du monde, appareil photographique au poing, à l’affût d’inscriptions scabreuses ou d’art funéraire interlope. Il piste les âmes comme le Voyeur de Powell et Pressburger, ou comme ce personnage d’un roman de Mamleiev qui tuait pour surprendre leur fuite hors de l’enveloppe physique. Voilà plus de trente ans qu’il fabrique, avec la complicité de son double Chabotopoulos, des machines à gagner l’au-delà en fausse grande pompe, comme Jarry à vélo derrière le convoi funèbre de Mallarmé. Auteur de cercueils roulants, flottants, volants, avec ou sans tuyau de poêle, de machine à moudre l’éternité, je le soupçonne d’espionnage. Il repère les angles morts des murs de cimetières, les brèches par où fuir le moment venu. Lorsqu’il aura cessé de respirer, il prendra l’apnée des champs. « Mon petit, vous le voyez, il n’y a rien d’autre, rien après. Vous vous souvenez…je vous l’avais dit. » Anna de Noailles à Jean Cocteau”
—Yak Rivais, L’humour noir dans les arts plastiques, Eden productions, 2004

“Au début des années Soixante dix, j’avais fait connaissance avec le travail d’André Chabot. Plus exactement, j’avais croisé quelques-unes de ses œuvres lors de salons de la Jeune Sculpture notamment. Même furtives, ces rencontres ne pouvaient laisser indifférent.
Croiser un corbillard dans un espace de sculptures laisse des souvenirs.
C’est donc avec un vif plaisir que trente ans plus tard, j’eus l’occasion de rencontrer l’artiste pour l’Encyclopédie et satisfaire une grande curiosité.
Faire de la mort le fil conducteur de sa vie n’est pas banal. André Chabot témoigne sobrement sur ce choix, sur les raisons personnelles de ce choix.
L’artiste a donc une cohérence redoutable et sait introduire l’humour dans l’insupportable.
Dans son appartement-atelier parisien, André Chabot vit entouré de cercueils, objets mortuaires et prépare l’avenir, c’est-à-dire son œuvre post-mortem. Nul doute que pour ces expositions-là, André Chabot ne manquera aucun vernissage.
En attendant cette deuxième vie pour son œuvre, André Chabot, face à cet océan inconnu, avec ses « phantamobjets », lance chaque jour une bouteille à la mort.”
—Claude Guibert, Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain
Chroniques de l’Encyclopédie, le 23 décembre 2004

“André Chabot est un homme qui lutte contre la mort et sa vacuité avec tous les moyens de notre post-modernité.
Installations.
Récupération et détournement d’objets.
Bricolage ingénieux et très méticuleux
Ecriture et compilation d’œuvres poétiques
Documentation planétaire sur l’art funéraire (130 000 clichés pieusement conservés à l’heure actuelle).
Des dizaines d’expositions à son actif

Des publications
Des interventions
Une pugnacité élégante au service d’un seul credo : rester éternel malgré la vacuité de la vie et ses vicissitudes.
Il y a là matière à de nombreuses possibilités de séduire des collectionneurs et des institutions muséales.
A visiter son atelier-habitation-nécropole où au-dessus du lit revêtu d’un suaire veille dans une lumière violette La Mort elle-même prête à le faucher dans son sommeil.”
—Richard Quémerais, le 9 janvier 1995

La mort…
“Avec une insistance qui n’est pas sans répondre à celle de la Faucheuse, André Chabot ne cesse de poursuivre, de traquer et de mettre en scène les formes et figures multiples derrière lesquelles se cache sa « présence » faite d’absence , dernière et ultime. De ce vide essentiel, origine du reste autant que fin, il tire à son tour des formes et des objets, opérant une main basse, une O.P.A. , un détournement sur les stèles impuissantes de la mémoire et de la peur, qu’il redouble et développe dans une vaste paraphrase irrespectueuse.
Ce faisant, il induit une stase, ouvre des perspectives au silence et à la méditation, permet au sens d’advenir. Il crée un espace stable où réfléchir enfin le mouvement vertigineux qui échappe aux êtres et finit par les engloutir. Il fait de la mort elle-même – appréciable revanche – un objet esthétique.
On est loin de tout exorcisme ou désir de rédemption. Pas non plus de fascination particulière, sinon une (com)passion d’entomologiste. Pas de calvaire, de mise au tombeau, de résurrection. La soudaine mise en congé du mythe, le retour à une réalité nue, mettent en valeur aussi bien le délire inventif que le caractère illusoire sinon dérisoire des objets du culte. Il y a une création fantasmatique bien réelle, à lire, à découvrir, sur le gravier des cimetières.
La démarche de Chabot est analytique et inventive. Ayant ouvert l’espace de l’énorme mythogramme, il l’explore méthodiquement. Il rassemble, il classe, il ordonne, il construit. Sa méthode est – scientifiquement – pléonastique. Une rhétorique inversée qui donne à lire le double sens des figures. La redondance, la tautologie, l’hyperbole permettent des effets de résonance, d’amplification, d’emphase. Les objets du rite funèbre, multipliés, imités, photographiés, dupliqués, extraits de leur contexte cérémonial, livrent alors toute leur incertitude constitutive, leur désarroi fondamental, à savoir qu’ils sont purs produits du vivant, de l’angoisse ou de la douleur, mais que la mort (comme les morts eux-mêmes) irrémédiablement leur échappe. Certains, les plus métonymiques, sont des épures qui allient l’humour à la provocation calculée. D’autres sont plus ambigus. L’ambiguïté provient sans doute de la personnalisation prêtée à l’objet, qui invite à reconstituer une histoire fantasmée, au – delà de l’anonymat du cas. C’est aussi le discours des tombes. Ici, le procédé est typiquement fictionnel, il permet d’ouvrir un sous champ de signification à l’intérieur du premier, et d’amplifier la résonance de l’objet.”
—François Derivery, Esthétique Cahiers, n°23/24, 1993

Chabot André, Erotique du cimetière
“Voici un ouvrage envoûtant et merveilleux qui ne se résume pas tant il est riche et divers. Nourri d’érudition, il sait administrer la leçon mais plus encore, il nous entraîne sur les sentiers de l’érotique et nous fait rêver de somptueuses amours avec la mort car son pouvoir de suggestion s’avère irrésistible. En fait, c’est à un double plaisir que nous convie André Chabot. Celui des images fort belles en elles-mêmes et subtilement dérobées par sa boîte à magie et à malice. Et celui d’un texte fin, subtile, élégant (après tout l’auteur n’est-il pas professeur de lettres ?) qui se définit moins comme un commentaire de la langue-image que comme une méditation sur la rencontre d’Eros et de Thanatos à propos de la statuaire funéraire, unissant dans un exquis dosage, l’histoire, la mythologie, la littérature et … de l’humour.
Chabot nous instruit ; il nous éblouit par la splendeur de ses clichés ; il nous ravit par l’élégance de sa plume experte; il nous entraîne dans les folles dérives de son imagination et de la nôtre…”
—Louis-Vincent Thomas, Bulletin de la Société de Thanatologie, n°89/90, 1992

“Dans la grande mode qui met la mort au goût du jour, on ne saurait insolemment oublier que cet artiste depuis longtemps déjà explore les plates-bandes des cimetières avec la précision d’un archéologue, l’esprit critique d’un philosophe, mais surtout un humour et une santé qui l’ont fait jusqu’ici échapper aux facilités morbides.”
—Gilles Plazy, Le quotidien du médecin, 1978

“André Chabot défigure les idoles, démasque les institutions, renverse les tabous… Il était salutaire que soient mis en cause quelques objets d’intérêt public et d’ordre moral.”
—Jean-Louis Pradel
Paris, décembre 1975

Courage d’André CHABOT
“Les fabricants d’objets m’ennuient, comme les objets eux-mêmes.
Au mieux, ces fabricants sont de simples brutes ou bien des artisans inutiles et stupides.
Mais survient André CHABOT, non plus fabricant d’objets, mais créateur de situations courageuses, car André Chabot a su communiquer du courage à des objets, qui se dressent dès lors, comme dans quelque saga d’aujourd’hui.
Ces objets étaient des acteurs en quête d’un auteur et sur la scène du Théâtre de L’Esprit, on se met à jouer le réel, la vie, la mort, l’espoir et son contraire. Les risques pris par André CHABOT pour accomplir son œuvre si singulière sont énormes, car les éléments qui la composent doivent être vrais, nécessaires et comme tout se paie sur cette Terre, l’auteur doit payer de sa personne.”

—Maurice Rapin, Paris, le 23 septembre 1974